Lutte des classes : Losurdo contre la pensée binaire
Eric Le Lann a lu « La lutte des classes, une histoire politique et philosophique », de Domenico Losurdo
L’histoire est-elle vraiment celle de la lutte des classes, comme le proclame le Manifeste du parti communiste ? Oui, répond le philosophe Domenico Losurdo, mais l’affirmer implique de se débarrasser d’une lecture binaire de ce concept [1], telle celle qui la réduit en une lutte rédemptrice entre opprimés et oppresseurs. Ce faisant, on le devine, Losurdo se confronte à quelques penseurs précurseurs des populistes politiques de notre temps. C’est l’une des actualités de l’ouvrage, mais loin d’être la seule.
« La lecture habituelle de la lutte des classes est réductrice », considère Losurdo, et si l’on s’en tient à cette lecture, l’histoire reste inintelligible. Son entreprise vise donc à resituer les évènements qui ont façonné les derniers siècles dans le champ de la lutte des classes, ce qui impose d’en avoir une vision élargie, une vision qui intègre notamment sous cette catégorie « les luttes gigantesques qui ont empêché le IIIème Reich et l’Empire du soleil levant de réduire à l’état d’esclavage des peuples entiers ». Relèvent de cette conception, à l’époque historique du Manifeste, outre les luttes entre classes exploiteuses qui ne sont pas oubliées, les luttes d’émancipations des peuples de conditions coloniales ou semi-coloniales, les luttes entre le capital et le travail, les luttes des femmes contre « l’esclavage domestique », selon les termes utilisés par ses auteurs. De manière générale, les moments où ces luttes de classes confluent sont « l’exception plus que la règle » [2]. L’histoire se fait dans un « entrelacs de multiples contradictions et de formes différentes de lutte des classes » [3]...
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