Domenico Losurdo — Staline. Histoire et critique d'une légende
noire. Traduit de l'italien par Marie-Ange Patrizio. Bruxelles, Aden, 2011
Par Jean-Claude Lecas
Résumé
Le livre de Domenico Losurdo, "Staline.
Histoire et critique d'une légende noire" (Bruxelles, Aden, 2011) s'inscrit, espérons-le, dans le
retournement de la sinistre tendance faisant du "totalitarisme", du
Goulag et de l'équivalence Hitler-Staline, l'argument massue de la doxa libérale visant à criminaliser le
communisme et tout espoir de réforme sociale. L'auteur remarque qu'à sa mort
(1953), Staline fut pleuré comme un dieu partout dans le monde, tandis que,
trois ans plus tard, le rapport Krouchtchev en faisait un monstre. Les deux
sont forcément faux et, si l'on veut comprendre, il faut tout examiner avec
l'œil de l'historien. Ainsi, dans le contexte dramatique de la Russie d'après
la révolution et la guerre civile, les "crimes" de Staline
apparaissent très relatifs. Sa dictature totale n'apparaît qu'après les procès
de Moscou et l'hystérique chasse aux espions et saboteurs qui suivit (la Grande
Terreur de 1937-38) des réponses terribles, mais toujours pragmatiques, à une
situation de chaos et de guerre civile plus ou moins permanente. Après la
collectivisation désastreuse de l'agriculture, condition de l'industrialisation
du pays, Staline et son groupe tentent désespérément de rétablir l'autorité du
gouvernement et d'accélérer l'industrialisation, tandis que se précise la
menace mortelle du nazisme. L'ouvrage montre que le "stalinisme" est
né de ces situations d'exception et à quel point l'amalgame Hitler-Staline (à
laquelle contribue la fable de l'antisémitisme stalinien) occulte opportunément
les véritables origines du nazisme. Celui-ci combine la doctrine pangermaniste
avec les théories raciales et nationalistes contemporaines de l'expansion
coloniale occidentale. L'objectif des nazis est de conquérir, sur les terres
slaves, un vaste empire colonial germanique sur les ruines de l'URSS, dirigée
par les "judéo-bolchéviques" inspirés par les théories du Juif Marx.
Leur croisade anticommuniste leur assure l'appui des puissances occidentales.
Rien de commun avec le despotisme stalinien, purement défensif et qui n'a cessé
de promouvoir les nationalités de l'URSS. Enfin Losurdo en prenant parti pour
Staline contre Trotski examine un problème majeur : celui de l'Etat socialiste.
Selon Trotski, l'URSS, au départ faible et menacée, ne peut survivre sans
l'appui des masses prolétariennes dans les pays capitalistes développés. De
plus, la construction du socialisme doit amener le dépérissement de l'Etat.
Pour Staline, ces principes ne sont pas réalistes dans le contexte de l'époque
et un Etat fort, capable d'assurer l'éducation, l'industrialisation et les
droits sociaux est d'abord une condition
de la survie.
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