Ringraziamo Luigi Sanchi per aver segnalato questo intervento molto interessante [SGA].
Pour
en finir avec l’hypothèque stalinienne
par Jean-Claude Lecas
(Centre national de la recherche scientifique)
Le paradoxe d’aujourd’hui c’est la quasi disparition de l’idée communiste
du débat public, alors que les principes de base du marxisme n’ont jamais
semblé aussi actuels. La faillite de plus en plus évidente de l’idéologie
néolibérale tombe en effet directement sous le coup des analyses du Capital. Loin d’être la solution, le
marché est à l’évidence le problème car, selon la formule de David Harvey,
«rien n’est plus inégalitaire que le traitement égalitaire des inégaux». [1]
[1] David Harvey, A companion
to Marx’s Capital, London, Verso, 2010, Chapitre 11.
La dernière décennie a prouvé que le ‟marché libreˮ est bien intrinsèquement, et non par
accident, une prodigieuse machine à produire des inégalités qui, à leur tour,
sont génératrices d’instabilité et de crise.
Devant ces réalités gênantes, les thuriféraires du capital lancent alors
leur argument-massue : «préférez-vous Staline et le Goulag?» Et malheureusement,
en dépit de sa malhonnêteté, l’argument fait encore mouche. Cette lourde
hypothèque stalinienne, qui est un véritable chèque en blanc au libéralisme,
bloque le débat et paralyse tout l’imaginaire de la gauche. Rien ne doit plus
ressembler à l’URSS. Or, que savons-nous d’elle?
Comme on le verra ici, les ‟crimesˮ
de Staline (fort douteux malgré la réalité des grandes hécatombes des années
1930) n’affectent aucunement la valeur des analyses de Marx. Si l’URSS a bien
été fondée par des marxistes, son histoire réelle (particulièrement sous
Staline) se rapporte davantage aux difficultés rencontrées par un pays pauvre
pour réussir son industrialisation dans un environnement hostile que par les
théories marxiennes. Ce qu’on a appelé ‟construction du socialisme en URSSˮ fut d’abord
une épopée du développement et, malgré la doctrine officielle ‟marxiste-léninisteˮ, le ‟communisme soviétiqueˮ fut surtout un
mythe et un projet, mais non une réalité.
Ceci ne minimise pas l’importance de ce que l’URSS a apporté au monde mais
explique pourquoi son histoire ne contient rien qui puisse complexer les
marxistes d’aujourd’hui ni freiner leur imagination face à la crise.
I. Le socialisme, la Russie, l’histoire
1. Le minimum d’une conception marxiste du socialisme
Les termes ‟socialismeˮ
(Sieyès, 1780) et ‟communismˮ
sont des repères incontournables de la pensée politique moderne dérivés de
l’humanisme égalitaire des Lumières.
Les idées socialistes sont venues au devant de la scène dans les années
1830 où elles cristallisaient l’opposition au ‟laissez-faire‟ libéral (et les libéraux criaient au
socialisme pour empêcher toute réforme). Cependant, et comme chacun le sait,
leur contenu a été profondément modifié par les analyses de Karl Marx. En
effet, les projets utopiques divers proposés par les socialistes de tous poils brocardés
par l’auteur du Capital [2] avaient
tous en commun de chercher des remèdes aux dégâts de la révolution industrielle
par la collaboration de classe.
[2] Voir par exemple la section III
du Manifeste du Parti Communiste, ou
le Socialisme utopique et socialisme scientifique
d’Engels.
En décrivant le mécanisme de l’accroissement du
capital par l’exploitation du travail salarié, Marx démontrait l’antagonisme
fondamental du capital et du travail. Il en situait la raison profonde dans la
contradiction entre le caractère social de la production des richesses et
l’appropriation privée de la plus-value. La conséquence? Une augmentation
continuelle des inégalités et des crises économiques cycliques.
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